Depuis le début de notre activité en 2001 nous soutenons le travail des femmes potières des différentes tribus du Rif.
Avec certaines, de véritables amitiés sont nées et perdurent malgré les distances, les absences et nos différences.
Avec le temps, certaines potières âgées sont décédées. Je l’apprends avec tristesse mais de loin, plus de 1700
km nous séparent. Parfois présente dans la région, je rends visite à la famille. J’ai appris à cette occasion qu’il fallait amener du sucre, des bonbons… comme pour adoucir la peine. Que toutes reposent en paix.
Avec les familles aussi de bonnes relations se sont instaurées, avec les voisines et les habitants des douars. Petit à petit mon action a été comprise, tout comme celle d’Agnès de Rabat qui depuis longtemps aussi travaille avec elles.
Le temps a passé donc et quelques filles ont poursuivi le travail de leur mère. Avec beaucoup de talent et d’originalité.
Dans les débuts, certaines très jeunes personnes, parfois juchées sur leur âne, me regardaient étonnées, charger mon véhicule en bordure de la piste.
Maintenant devenues femmes, plusieurs ont appris la poterie pour mon plus grand bonheur.
Cet artisanat reprend grâce à elles toutes, de l’avenir.
La céramique rurale du Rif, de facture exclusivement féminine a toujours été fabriquée à la maison ce qui permettait aux femmes de continuer à s’occuper de leur foyer. Elle a ainsi préservé son mode de fabrication traditionnel et souvent conservé les marqueurs communs à la tribu de la potière tout en affichant des spécificités. Ces différences tenaient à l’habileté et à la personnalité même de la femme qui la fabriquait.
Malgré cela, on reconnaissait toujours l’origine de la pièce. De part la terre, les oxydes
utilisés, sa forme ou ses motifs, les pièces gardaient un air de famille en sorte.
En 2016 je donnais à M. le fils d’une vieille et adorable femme les coordonnées de toutes les potières que je connaissais. Bien que natif de la région il n’en connaissait guère. En particulier celles d’une jeune femme, Houda, qui travaille merveilleusement bien dans une autre tribu. Il pourrait ainsi acheter des pièces à toutes et faire connaître le travail de Houda en même temps que celui des femmes de son village. Il s’occupait de tourisme rural et recevait
régulièrement des visiteurs. De mon côté je mettais en relation des touristes intéressés par cette poterie et des potières qui souhaitaient les accueillir. Comme Mariola, par exemple, qui ravie de son séjour souhaite que nous montions ensemble une action destinée à faire connaître leur travail.
J’appris par la suite que les artisanes de son douar ne profitaient aucunement de ce débouché, que charité bien ordonnée commençait par soi même et que seule la production de sa mère était commercialisée. Mais la poterie de Aïcha se vendait moins bien que les pièces couvertes d’un engobe blanc, plus franc, réalisées avec des motifs plus travaillés et originaux.
M. demanda d’abord à sa mère de changer son engobe puis enfin lui imposa de copier le travail de Houda.
Copies réalisées avec plus au moins de bonheur même si le résultat “art brut” a de quoi séduire lorsqu’on n’en connaît pas l’histoire.
Je les aime quand même et vous laisse le soin de vous faire une idée avec ces quelques photos.
Si les autres potières du douar déplorent le peu de considération fait à leur travail, une certaine reconnaissance pour cette poterie se fait jour au delà des lieux où Agnès et moi même la commercialisons.
Par l’intermédiaire de Zineb, céramiste qui séjournait parfois chez M. , Dior et sa créatrice ont choisi en 2019 de mettre à l’honneur le travail de 4 potières. Celui d’Aïcha la
vielle maman, de Houda la jeune femme aux motifs originaux et de deux autres potières de la tribu voisine des Beni Zeroual. Je ne reviendrai pas sur le choix qui a été opéré parmi les nombreuses céramistes qui travaillent encore dans le Rif puisqu’il a été effectué à partir des potières sélectionnées par M. qui présente toujours sa maman comme la “dernière potière du Rif”.
Quand je vous dis que c’est une histoire de femmes.